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Quand l’empathie fait défaut

Quand l'empathie fait défaut

Ça fait un moment que j’avais le goût de vous parler d’empathie, cette qualité qui me semble essentielle pour bien vivre en société, mais dont certaines personnes sont malheureusement dépourvues. Je songe notamment aux réactions de plusieurs citoyens concernant la crise migratoire actuelle, que ce soit au Québec ou ailleurs dans le monde. Ou encore à l’attitude de certaines personnes envers les plus démunis de la société, personnes qui, drôlement, ne sont jamais touchées par un itinérant quêtant dans les rues, par une mère de famille qui ne parvient pas à joindre les deux bouts, par un proche aux prises avec des problèmes de santé mentale… Ça ne fait pas partie de leur vie, donc ils ne s’en soucient guère et sont même prêts, parfois, à porter des jugements. Quand l’empathie fait défaut, notre société se porte bien mal. Mais est-il possible de développer son empathie? J’ose espérer que oui.

Se mettre à la place des autres

Parfois, il suffit de transposer une situation à sa propre vie pour mieux comprendre celle des autres. Je lis présentement le livre Les portes du néant de Samar Yazbek, une journaliste et écrivaine syrienne reconnue à travers le monde, présentement en exil à Paris. Femme hyper courageuse, elle a fait plusieurs aller-retour en Syrie pour relater la vie des Syriens sur le terrain. Impossible de rester de marbre en lisant les témoignages qu’elle rapporte. C’est d’une horreur sans nom… De notre côté, que ferions-nous dans une telle situation? Si, au quotidien, on voyait des gens autour de soi et des êtres qui nous sont chers mourir de façon tragique sous les balles, les bombardements, entre les mains de gens sadiques? Qui sommes-nous pour remettre en question la volonté d’une famille d’immigrer en sol québécois après avoir vécu un drame pareil? Comment, en vivant pour ainsi dire dans la ouate, peut-on prêter de mauvaises intentions à des gens qui veulent seulement que leur famille soit en sécurité? N’est-ce pas ce que nous voudrions également pour la nôtre?

L’empathie, c’est savoir s’ouvrir aux autres, développer une sensibilité face à ce qui nous entoure, avoir de la compassion, essayer de comprendre ce que les gens vivent vraiment plutôt que de les juger. Que ce soit avec nos proches ou avec de purs inconnus, notre comportement peut vraiment faire toute la différence.

Dans son article du 28 septembre dernier, le journaliste de La Presse Patrick Lagacé raconte l’histoire d’un homme ayant eu un verdict de cancer du poumon avancé. Il est dans le bureau de la médecin, en compagnie de sa femme et de sa fille, prêt à poser toutes les questions qu’il a en tête. Il s’est bien préparé avant le rendez-vous. Toutefois, à la deuxième ou troisième question, il se fait demander « Avez-vous fini? J’ai un autre patient qui m’attend. » Ce manque d’empathie flagrant rentre dedans comme un coup de poing.

Au fond, un manque d’empathie, c’est un manque d’humanité. C’est penser à soi avant de penser aux autres. C’est ne même pas réaliser comment des gestes ou des propos peuvent affecter nos proches, des collègues de travail, ou tout autre personne que nous côtoyons.

Savoir écouter l’autre

Un jour, dans la rue, je prenais en photo une murale sur le mur d’un édifice. Un monsieur en chaise roulante m’a abordée en me parlant de cette murale. Il s’est ensuite mis à me raconter un peu sa vie. Il avait été dans la rue longtemps, aux prises avec des problèmes de consommation. Ce qui l’avait mené là? Une enfance que personne ne voudrait avoir… Il avait toutefois réussi à s’en sortir et il était fier du chemin parcouru. Il était aussi fier de m’en parler, à moi, une parfaite inconnue. Il m’a souhaité une belle journée et a terminé en m’indiquant où je pouvais trouver deux autres magnifiques murales à photographier. J’aurais pu m’éloigner aussitôt qu’il m’a abordée, me convaincre qu’il voulait juste me demander de l’argent, mais je me suis arrêtée, et j’ai pris le temps de l’écouter. Et finalement, j’ai vraiment été contente de l’avoir fait.

Également, dans le cadre de mon travail, ma collègue et moi avons eu la chance de discuter avec un jeune homme allumé, sympathique et avec une super personnalité. Ce jeune homme n’avait toutefois pas eu la vie facile. Il était au Centre Portage pour se libérer d’une dépendance aux médicaments, dépendance qui l’avait mené à faire toutes sortes de choses pour se droguer. Ça ne l’empêchait toutefois pas d’être une super bonne personne. Et je dois avouer que ça a cassé l’image que je me faisais des jeunes toxicomanes. Après l’avoir quitté, j’ai souhaité très fort qu’il s’en sorte. J’espère sincèrement qu’il va bien aujourd’hui et qu’il a poursuivi les nombreux rêves qu’il avait.

Ce que je veux dire avec tout ça, c’est qu’on a souvent tendance à juger rapidement les gens, à leur accoler une étiquette sans même les connaître. Mais en les écoutant, en se mettant dans leur peau, en faisant preuve d’empathie, notre perspective de la situation peut changer complètement, et nous aussi par le fait même.

Enseigner l’empathie : une pratique courante au Danemark

Dans le livre Option B, des auteurs Sheryl Sandberg et Adam Grant, j’ai appris qu’au Danemark, l’empathie est enseignée aux enfants à partir de l’âge de 6 ans, et cela jusqu’à la fin de leurs études secondaires. Les élèves discutent ensemble des problèmes de chacun et s’entraident pour les résoudre. Ils constatent également comment, à leur façon, ils peuvent faire une différence dans la vie de leurs camarades et comment leur comportement peut influencer celui des autres. Ces discussions leur permettent aussi de voir les choses sous un autre angle, car la vie et les enjeux de chacun sont bien différents.

À quand l’enseignement de l’empathie dans nos écoles québécoises? C’est pourtant en montrant l’exemple, comme adultes, que nous aurons une société beaucoup plus juste.

Développer son empathie

Nous avons sans doute tous manqué d’empathie à un moment ou à un autre. Mais essayons maintenant d’ouvrir les yeux davantage sur ce qui nous entoure, d’observer comment les gens se sentent et comment notre comportement peut les affecter. Tentons de changer les choses positivement, d’être présents pour les autres, de laisser tomber nos préjugés, d’essayer de comprendre réellement une situation du point de vue des personnes qui la vivent, et non pas de notre simple point de vue. Le monde s’en portera beaucoup mieux! Vous ne trouvez pas?


Crédit photo : W A T A R I sur Unsplash

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2 Commentaires

  • Reply
    Elina
    24 avril 2021 at 17 h 48 min

    Merci pour cet article vraiment nécessaire.

    J’ai été touchée dès le début par cette phrase « Ou encore à l’attitude de certaines personnes envers les plus démunis de la société, personnes qui, drôlement, ne sont jamais touchées par un itinérant quêtant dans les rues, par une mère de famille qui ne parvient pas à joindre les deux bouts, par un proche aux prises avec des problèmes de santé mentale… « .

    Je suis une personne souffrant de problèmes de santé mentale et je connais tout à fait la situation que vous décrivez.

    Entre les pseudos amis qui se gaussent de notre malheur ou diminuent notre souffrance, et les collègues qui interrogent nos arrêts de travail ou notre trop grande sensibilité, c’est compliqué de maintenir le cap.

    Mais je suis heureuse de voir que tout le monde n’a pas renoncé à l’empathie,

    Alors merci!

    • Reply
      Valérie
      26 avril 2021 at 21 h 05 min

      Cela fait plaisir! 🙂 Notre monde se porterait tellement mieux avec plus d’empathie… Merci pour votre partage!

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